« Nous réalisons aujourd’hui que même nos cellules humaines ne partagent pas toutes le même ADN. Nous avons tous, en effet, à une échelle plus ou moins importante, des cellules d’autrui en nous. Dans certains cas, ces cellules « étrangères » peuvent venir constituer tout ou partie d’un de nos organes, dont elles participent pleinement au fonctionnement. Les scientifiques les appellent « les cellules chimériques » » – Extrait du livre Lise Barnéoud, Les cellules buissonnières – L’enfant dont la mère n’était pas née et autres folles histoires du microchimérisme, éditions Premier Parallèle, 2023
Dans cette série autour de la chimère, j’interroge notre nature et la multiplicité de nos êtres. Qu’est-ce que l’ordre et l’ordinaire ? Ne sommes-nous pas multiples et étrangers à nous même?
Cette nouvelle série et ses différentes œuvres se construisent comme un récit. Un roman, une narration, une autofiction. Afin de donner naissance à mes œuvres. Ou peut-être, est-ce mes œuvres qui donne naissance à une chose? De la matière, du rose peau, du rouge sang, du bleu pupille, du noir charbon cheveu. Comme une créature qui naît. Je veux ici continuer à montrer l’invisible, à retranscrire la vie au rythme du temps qui passe avec mes matières, mes pigments, mes stylos, mes encres, ma peinture à l’huile, à l’eau, ma peinture de feu et mon charbon. Cette série me permet d’explorer l’instinctif, la spontanéité du geste, le corps en mouvement, l’animalité en chacun de nous. Et l’âme qui flotte au-dessus d’un cri étouffé.
Une œuvre peut-elle crier ? Un dessin peut-il chanter ? Une gravure peut-elle danser ?
« Créature cendrée I » 2024
22×30 cm Techniques mixtes sur papier de coton recyclé
Vendu
« Créature cendrée II » 2024
22×30 cm Techniques mixtes sur papier de coton recyclé et collage en papier thaïlandais
22×30 cm Techniques mixtes sur papier de coton recyclé et collage en papier thaïlandais
Vendu
« Je scanne mon corps, je le regarde de l’intérieur. J’éprouve mon souffle, l’air qui entre dans mes poumons. C’est étrange mais ça me blesse un peu. C’est un besoin, une nécessité mais ça me heurte. Comme si la vie entrait à l’intérieur de moi, comme la houle d’une vague un peu trop grosse.
J’observe mes mains qui tapent sur le clavier ce qu’elles ont envie d’écrire. Je les vois timides mais engagées. J’entends leur intelligence comme des êtres animées. Mes mains se courbent, elles ondulent. Agnès me dit qu’elles sont difficiles à dessiner parce qu’elles prennent des postures inhabituelles. J’aime bien ça : me dire que mes mains sont des êtres à part, des outils extraordinaires qui peuvent si bien retranscrire ce que j’ai dans le fond de mes yeux, dans le fond de ma gorge, dans le creux de mon ventre. J’imagine qu’elles peuvent voler, qu’elles sont indépendantes et qu’elles se détachent de mon corps et clament la liberté.
Je ressens mon cou, long et fin comme un héron cendré. Mon cou qui semble trop faible pour porter le poids de ma tête, le poids de mes pensées. Mon cou, témoin du temps qui passe, avec ma peau qui se détend et qui forme des plis. La peau trop fine de mon cou.
Je caresse ma peau et je sens que je me transforme et de cette mue doit naître une créature insoupçonnée, inattendue. Une chose amoureuse, heureuse ou malheureuse. Je cherche qui je suis dans mon ventre. Où vais-je ? je ressens les limites de mon corps et de ma peau comme une frontière avec le monde. J’enfile mon corps comme un costume de plumes.
Je bloque sur mes seins que je trouve trop lourd ce soir. Ils ne se transforment en rien eux. Ils ont déjà tout vécu. Nourriciers pendant plus de 6 ans, ils se retrouvent vidés sans rien à redire. Sans rien revêtir. Ils sont nus. Dépourvus. Naturels. Peut-être séduisants mais ce sont des chimères, des illusions d’un temps déjà passé. Ils sont la mémoire d’un amour maternel.
Ma bouche fermée n’arrive pas à s’ouvrir, mes mâchoires sont crispées. Serrées. Dures. Mes dents grincent à l’intérieur de ma bouche. Elle se tord. Je me mords les lèvres non pas pour séduire mais pour exprimer ma gêne, et pour cacher ma tristesse. Ma bouche se transforme en bec d’oiseau. Mes yeux fusionnent avec l’œil du héron et ma bouche s’étire pour former un bec dur et long capable d’attraper les poissons. Est-ce qu’on peut embrasser avec un bec ? mes baisers blessent, l’amour heurte. Si je veux des ailes, je ne peux plus aimer.
Mes bras se lèvent, mes clavicules bougent, mes poils se hérissent sur ma peau. Je ressens les pores de ma peau qui s’élargirent. Je laisse mes pensées de côté. Et alors des plumes bleus et violette en sortent. Si je veux voler je sais ce qui me reste à faire. Arrêter de bloquer la mutation. J’étais une femme aux épaules droites et à la clavicule cassée. Je suis une créature plus sombre et plus sauvage. Je dois la laisser naître pour l’entendre, la comprendre.
Alors viens, je sais maintenant que tu as des choses à me dire. »
Texte lu et écrit par Déborah Calfond
« Le héron cendré »
Techniques mixtes sur papier de coton recyclé
Dimensions papier: 42×30 cm Dimensions cadre: 50×40 cm
« Pour cette nouvelle année je m’en vais chercher la joie.
Avant-hier ou le jour d’avant je ne sais plus, j’ai entendu à la radio, sur France inter certainement, la station que l’on allume tous les matins sur la vieille radio de mon amoureux, j’ai entendu qu’il y a une nuance entre la joie, le bonheur et le plaisir. Peut-être que la joie est une somme de petits plaisirs cumulés et que le bonheur est une posture. Ils disaient aussi que l’acceptation du malheur, ou des malheurs étaient obligatoires pour accéder à la joie. C’était sans nul doutes des paroles très banales mais cela m’a semblé si vrai. Si perspicace.
L’année a été rude. Pleines d’épreuves.
Derrière les larmes, on continue à ressentir de la joie. Derrière la tristesse, je commençais jour après jours à me sentir de mieux en mieux chez moi avec mes enfants. Chaque petit geste du quotidien : changer les draps, nettoyer la table avec une éponge, construire un lego ou regarder un film avec un plateau repas, chaque petit geste m’a aidé à me reconstruire et à reconstruire un foyer après la séparation. Avec des petits objets récupérés du passé : des tasses à café de Lisa en terre cuite de Barcelone, un plaid tout doux vert foncé, des bougies : c’est ça mes petits points d’or à moi. C’est aussi se sentir entourée de mes enfants même quand ils ne sont pas là pour mieux supporter leur absence qui me ronge. Qui me laisse un creux dans le ventre. J’ai une boule de feu dans le ventre, qui brûle et qui se transforme en cendre quand ils ne sont pas là. J’ai eu l’impression parfois d’atteindre un malheur qui touchait les abysses.
Une année pleine d’épreuves.
Si l’année passée était un paysage, il y aurait eu mille vallons et mes cuisses en feu de les avoir montés et descendus.
J’ai terminé l’année essoufflée d’avoir marché le long de ses collines. Essoufflée, triste puis heureuse. Il y avait des points de vue magnifiques, des couchers de soleil sur Belvès, des baignades dans la Dordogne chaude d’été, le bonheur de sentir les cailloux sous mes pieds, de se préparer des crêpes au nutella maison. Il y avait l’amour tout autour et aussi beaucoup de couleurs sous mes pinceaux et sur mes toiles. Et puis, il y a eu ce tour en bateau sur la méditerranée turquoise et une baignade fabuleuse d’un mois de novembre: mon corps dans les bleus marins sous le Cap Canaille de Cassis. Je dois être un peu poisson. Je renais dans l’eau fraîche de la mer. J’ai besoin de l’eau salée. J’observe ma peau, je ferme les yeux et je vois quelques écailles. J’ai décidé de les peindre: à l’huile cette fois. Sur plein de petits formats. Je peins cette nouvelle peau sur des petites œuvres et j’ai décidé d’en prendre soin. Et en dessous de cette nouvelle peau doit naître ou renaître celle que je suis. Dans un nouveau monde, une nouvelle année, un nouveau paysage où l’amour prime dans la simplicité d’un regard. Dans la joie d’une étreinte de l’être aimé. Dans la douceur d’un câlin ou d’un « je t’aime » de mes enfants.
J’aimerais laisser derrière moi quelques peurs. Celles qui m’empêchent d’être celle que je suis. J’aimerais les poser dans le creux des vallons parcourus et avancer pleine de joie. »
Texte lu et écrit par Déborah Calfond
« Peau de serpent » 2024 15×20 cm Peinture à l’huile sur toile de lin
« Les femmes oiseaux » 2024 10×10 cm Peinture à l’huile sur toile
« Le porteur d’âme » 2024
30×50 cm Peinture à l’huile sur toile de lin
Cette série à l’huile est en cours de construction, les nouvelles œuvres seront disponibles à la vente en avril, lors de l’Art month du Cercle de l’art et sera visible lors de ma prochaine exposition à Paris en avril prochain.