Dans la continuité de mon travail où s’emmêlent joyeusement peinture et poésie, j’ai eu envie de proposer des carnets intimes. Des carnets de recherches où se mélange instinctivement mes dessins, mes couleurs, mes mots. Ces recherches feront des œuvres, ou le sont-elles déjà? Ce sont des objets intimes du processus de création, traces fragiles mais ardentes d’un point de vue particulier.
Je réalise des leporellos, carnet japonais en accordéon, artisanaux et unique. Le carnet est fabriqué par Sarah Mazet, relieuse d’art à Périgueux.
En papier de coton Fabriano Rosapina 220g et couverture rigide en toile peinte à la main par mes soins. Les dessins à l’intérieur des carnets sont originaux et uniques, en voici quelques exemples.
Carnet leporello unique, papier d’art 220g, couverture rigide en toile peinte à la main – œuvres originales sur 48 pages.
En savoir plus sur le procédé de fabrication
Dimensions carnet fermé: 13×21 cm Dimensions carnet ouvert: 312 cm de long
Goutte à goutte je ruisselle Je jette à la source mes pensées turbulentes Celles qui m’empêchent de respirer De prendre une grande inspiration De crier « haaaaaa » J’ai des branchies qui apparaissent de chaque côté de mon cou Je m’immerge dans l’eau claire Je trempe d’abord mes doigts, puis mes lèvres : elle est fraiche L’eau coule sur mon corps, dans mon corps et nettoie mes peurs Les sentiments sombres s’éclairent et deviennent peu à peu Transparents aux reflets d’argent Je sens l’eau de la vie qui m’emporte Je ressens le plaisir de mes sentiments argentés Je jette dans les rapides mes blessures Je trempe mes rides et mes paupières dans l’eau Les gouttes de mes yeux se mélangent à la rivière Je suis liquide Je suis la source Je suis fontaine Goutte à goutte je ruisselle Je me liquéfie J’oublie ma peine Je la coule mais je sais qu’elle refera surface Avec ma peur Je ressors de l’eau plus douce J’aime sentir l’air du vent sur ma peau mouillée Je frotte les pierres entres elles et je fais de l’encre blanche J’écris la vie sur ma peau avec le blanc des galets Je peins sur tes épaules avec la castine Du blanc caillou sur tes petites épaules dorées Des petits corps * cœur peinturlurés Terriblement aimés Qui font de moi une mer(e) J’ai pleuré beaucoup de larmes qui auraient pu remplir un broc d’eau J’ai dit à mon amoureux qu’il faudrait s’en servir pour arroser les plantes Il m’a répondu qu’il en pousserait des pensées bleues Goutte à goutte Larme à larme J’arrose les pensées Je suis la pluie, le nuage, le courant, la vapeur, la rivière, le torrent Je suis de l’eau de mer( e) Je chante comme on fait de la braise Je danse mes pieds nus sur les cendres Je dessine des visages avec mes orteils noirs charbons Main droite Main gauche Cerveau au repos Rationalité de côté J’observe les lignes graphiques qui se dessinent sur le papier Je suis subjuguée par l’apparition d’un visage d’ombres Je chante sous la pluie Je chante sous la nuit J’avale les gouttes qui se posent sur mes lèvres bleues noires Je veux tenir ta main (rose amour) Comme on tient la vie Je veux sentir ta peau La retenir sous mes doigts Ne pas lâcher Je veux caresser la terre comme je caresse ton front et tes cheveux Et sentir la douceur de tes doigts La tendresse du creux de ta poitrine Me blottir ici (tu sens comme je suis bien ?) Pour retenir le temps Qui file Qui brule Qui avance comme le train Le temps qui danse Le temps qui pleure Le temps qui rigole FORT Ressentir La joie D’être vivante La peine
VIE VANTE
texte écrit et lu par Déborah Calfond
Le jour se lève, il faut tenter de vivre.
Braver le brouillard, ouvrir la fenêtre et observer les poissons d’argent se faufiler dans le dormant.
Sentir sous mes doigts l’humidité d’un mois de novembre ; sentir dans mes yeux la moiteur d’une émotion d’hiver.
Observer les quelques gouttes de pluie tombées sur le parquet et se sentir en sécurité, blottie dans un intérieur chauffé. L’intérieur qui me rassure et qui me ressemble de plus en plus. Quelques morceaux de feuilles scotchées sur le mur, des croquis épinglés, des mots, des couleurs, des tableaux, des livres, de l’homéopathie, une veilleuse, un poisson en céramique, une petite boite en nacre et des coquillages noir et blanc du Cap Canaille.
Comme si mes pensées, celles qui viennent du ventre et mes pas foulés au dehors prenaient forme. Prenaient place tout autour de moi. J’ai un livre sous les yeux, je l’ouvre. Francis Bacon me parle « Le problème principal, lorsqu’on est artiste, c’est d’arriver à faire quelque chose qu’on voit avec son instinct. Or, on n’y arrive presque jamais. On est toujours, je crois, à côté. » C’est l’évidence qui me parle. L’écriture me permet peut-être d’être plus proche de cet instinct, de faire jaillir les mots sans contraintes, sans consignes. Les mots de l’intérieur, l’intérieur qui nous réchauffe de la moiteur des émotions de l’hiver.
On observe On regarde
Mais on est toujours à côté.
A côté du soubresaut que constitue l’instant.
Le jour se lève et il faut tenter de vivre, de prendre la route, de ressentir fort. D’apprécier chaque baiser de mon enfant sur ma joue. Comme un petit trésor, qui me manque tant quand il n’est pas là. C’est écouter chacune de ses paroles. Le son de sa petite voix qui change et sa langue qui se glisse dans le trou laissé par sa première dent de lait tombée chez son père. C’est observer ses petits doigts qui mélangent les cartes du mille bornes et entendre son rire, leurs rires et le mien qui se mélangent comme une chorale amoureuse.
Et c’est tenter de vivre en chantant l’amour.
Texte lu et écrit par Déborah Calfond
Extraits de l’intérieur des carnets. Ils sont disponibles à la vente, pour en savoir plus :